Le peuple du nord vénérait des dieux qui reflétaient les réalités de leur monde.
Dans la mythologie nordique, avant que les mondes ne soient au nombre de neuf, il n'y en avait que deux: Muspelheim: le monde du feu, et Niflheim, celui de la brume et de l'obscurité, ou la source ensorcelée par le serpent Hvergelmir s'éleva pour nourrir les eaux des rivières Elivagar. L'endroit ou les deux rivières se rejoignaient s'appelait le Ginnungagap, le gouffre. Alors que les vents glaciaux de Niflheim rencontrèrent les brises de Muspelheim, un brouillard se forma. Ici, au milieu d'un temps aussi doux qu'un rêve nordique, le géant endormi Ymir s'était formé:
"Ce fut le commencement des siècles quand Ymir s'établit: il n'y avait ni rivage, ni mer, ni ondes fraiches: on ne trouvait ni terre, ni ciel élevé: il y avait le gouffre béant mais de l'herbe nulle part."
C'est ainsi formulé dans la troisième strophe de Voluspa, le poème de la grande prophétie dans lequel une prophétesse raconte le début et la fin du monde au dieu principal Odin. Voluspa fait partie de l'Edda poétique (le recueil de vers anonymes de mythes scandinaves, que l'on peut trouver dans son intégralité dans deux manuscrits scandinaves de l'époque médiévale, le "livre des rois" islandais codex regius et le plus récent Hauksbok, un récit de l'histoire et des mythes islandais rédigé par le scribe et "diseur de lois" Haukr Erlendsson).
Ce mythe scandinave de la création raconte ensuite comment Ymir suait dans son sommeil: sa transpiration produisit le premier des Jotnar (géants). Ymir se nourrissait du lait de la vache Audhumla qui lèchait le sel de la glace de Ginnungagap. un jour, elle fit apparaitre un homme, Buri. Celui-ci avait un fils, Bor, qui épousa la Jotunn Bestla. Ensemble ils eurent trois enfants: Odin, Vili et Vé. Les enfants des dieux, le premier des dieux ases, tuèrent Ymir, et créèrent le monde à partir de sa dépouille. Le poème Grímnismál dit:
" De la chair d'Ymir la terre fut formée. Et de son sang la mer: de ses os , les montagnes, de ses cheveux les arbres, et de son crâne, le ciel."
Vili et !vé sont à peine mentionnés dans la mythologie scandinave, dans le Lokasenna, le poème qui raconte l'histoire de la "dispute" ou de la raillerie, de Loki, dieux éponyme de la malice et de la magie se moque d'Odin. Mais Loki en personne peut aussi former une autre triade avec Odin: dans une autre histoire, trois dieux, Hoenir, Lodur (ou Loki) et Odin trouvent deux arbres sur la nouvellement formée Midgard, "le monde du milieu", fait à partir des sourcils d'Ymir, et ils leur distribuent des offrandes, leur accordant la conscience, le pouvoir et l'humanité.
"Ils n'avaient point d'âme, ils n'avaient point d'intelligence, ni sang, ni langage, ni bon extérieur: Odin donna l'âme, Hoenir donna l'intelligence, Lodur donna le sang et le bon extérieur."
Les dieux sont devenus les premiers humains: Ask et sa femme Embla. L'étymologie de embla est inconnue, elle peut signifier "vigne" ou "dur labeur", mais celle de Ask est plus évidente: elle signifie "frêne", pareil à l'immense frêne Yggdrasil qui relie les neuf mondes de la mythologie scandinave. Si vous êtes familiarisé avec une partie d ce monde de la création, il y a une raison à cela. Pendant des siècles, les mythes scandinaves furent consignés et transmis oralement, par des poètes qui mémorisaient et transmettaient les lois et les coutumes, et par les volva, ou prophétesse, qui les interprétaient. On commença à écrire la mythologie scandinave au VIIIe siècle à partir de notre ère lorsque la christianisation a commencé sa lente expansion à travers les pays du Nord. Les hommes qui l'écrivirent voulaient préserver leur mythologie ancestrale, mais ils voulaient aussi être de bons chrétiens qui laissaient le paganisme sanglant derrière eux.
Dans une démonstration d'improvisation homonymique, le justicier islandais du XIIIe siècle, Snorri Sturluson, auteur de la prose d'Edda tire l'étymologie "d'ase" de l'Asie et présente les dieux nordiques comme des réfugiés de la chute de Troie, comme le raconte l'Iliade d'Homère. Il prend en compte un précédent historique: l'épopée de Rome, l'Enéide, écrite par Virgile entre 29 et 19 avant Jésus Christ. Il écrit que les Romains descendent d'Enée et de Troie: l'Historia Regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth datant du XIIe siècle revendique la même chose pour les britanniques par le descendant d'Enée, Brutus, et il est probable ait eu l'idée de Geoffroy de relier les dieux de ses ancêtres avec les héros classiques mais vaincus de la guerre de Troie. Le procédé a donné à chaque auteur (et à Virgile avant eux) la possibilité de donner à leur mythologie la respectabilité de la civilisation ancienne tout en leur permettant d'éluder les vieilles croyances païennes traditionnelles. Snorri est assez explicite sur le fait d'excuser ses ancêtres polythéistes d'avoir cru que les ases "troyens" étaient des dieux en raison de leur belle apparence de leur intelligence, de leur aptitude à la magie.
De nombreuses légendes scandinaves expliquent des phénomènes terrestres que les gens ne pouvaient expliquer. Le miroitement de la chaleur d'une journée d'été s'expliquait par le fait que le rusé Loki rassemblait les chèvres ou semait l'avoine. La courbure de la queue de poisson était due au fait que Loki ce soit une fois caché sous une cascade sous cette forme-là, jusqu'à ce que le dieu du tonnerre, Thor, l'attrape par les nageoires arrière et le tire pour qu'il réponde de ses crimes. Les tremblements de terre étaient le résultat des frémissements de douleur de Loki dus à l'atroce punition qui lui fut infligée.
Odin "le père de tout" est souvent décrit comme quelqu'un prenant la forme d'un homme âgé. Il fréquente les palais et les fermes, poussant leurs propriétaires à rompre les liens d'hospitalité et les punissant après, s'impliquant dans des jeux de devinettes qui finissent par révéler des vérités qui dérangent ses malchanceux interlocuteurs humains, ou plus rarement, pour récompenser les bons par la connaissance, la richesse et/ou le pouvoir en échange de leur hospitalité. D'autres textes encore expliquent comment les dieux construisaient leurs temples dans le royaume sacré d'Asgard, comment ils interagissaient les uns avec les autres en tant qu'amants, ennemis, et membres de la famille, et comment ils se battaient avec un autre groupe de dieux lors du tout premier conflit, la guerre entre les ases et les vanes.
Si de nombreuses histoires nous donnent un aperçu de l'esprit des scandinaves préchrétiens, beaucoup de leurs mythes sont également influencés par d'autres idées. Il est impossible de voir le mythe de Balder comme n'ayant pas été retouché par la théologie chrétienne. Balder, fils d'Odin et sa femme Frigg est le dieu de l'amour et de la lumière. La fille de Loki, Hel, reine des morts ne le veut rien que pour elle. Frigg a fait promettre à toutes les choses des royaumes qu'elles ne blesseront pas Balder. Lorsque Loki découvre les jeunes d'Asgard jouant à un jeu consistant à lancer toutes sortes d'objets au protégé Balder, il donne au frère aveugle du dieu, Hod, une fléchette de gui. Hod la lance avec précision, elle atteint son frère et Balder meurt. Hel accepte de ramener Balder du monde des morts si toutes les choses pleurent sa mort, mais Loki se transforme en une vieille dame géante aux yeux secs nommée "Thokk" (remerciement) et refuse de pleurer.
"La vieille Thokk ne pleurera pas Balder déclara t-elle sans ambages, vivant ou mort, le fils du vieil Odin ne m'a apporté que misère et contrariétés. Je suis ravie qu'il est disparu. Bon débarras et bien fait, qu'Hel le garde"
Il est prévu que Balder revienne de la mort après le Ragnarok, le crépuscule des dieux, la fin du monde dans la mythologie scandinave, après lequel Balder inaugurera un nouvel ordre lumineux.
Quelles que soient les origines de ce mythe, les hommes qui l'on écrit ultérieurement avaient clairement à l'esprit la seconde venue du Christ tirée du livre de l'apocalypse dans la bible. Mais Balder n'est pas le seul personnage qui sera plus tard associé au nouveau dieu que les scandinaves appelaient autrefois "le Christ blanc". Une théorie suggère même que le vaurien Loki en détruisant les anciens dieux de Ragnarok, laisse un espace théologique au "véritable" salut chrétien faisant de lui (métaphoriquement) , soit le Christ, soit Jean-Baptiste.
Il est impossible de dire si les scandinaves dans leur ensemble on vraiment pensé cela, si c'était la vaine réflexion théologique d'un prêtre chrétien, ou une théorie similaire ultérieur. Encore aujourd'hui dans les arbres généalogiques de la royauté scandinave il y a de la place pour les descendants d'Odin, Thor et beaucoup d'autres dieux. C'est peut être pourquoi, malgré l'enthousiasme médiéval de son peuple pour la christianisation, la Scandinavie a réussi à conserver beaucoup de mythes de ses anciennes divinités pendant plus de 1000 ans.