Thor, le dieu du tonnerre, est surtout connu de nos jours comme l'un des Avengers dans les comics et films de Marvel. Pourtant plus qu'un simple super-héros, il était l'un des principaux dieux du panthéon Scandinave.
D'après les sources vikings (notamment les Eddas), Thor serait le fils d'Odin et de la géante Jord, qui était l'incarnation de la terre ( en ce sens, elle est assimilée à Gaia de la mythologie grecque). Odin, quant à lui, était l'allfather, le roi du panthéon Scandinave. Son imprévisibilité et son irrationnalité faisaient de lui un dieu que l'on devait craindre plutôt qu'admirer. Thor, lui, avait de l'empathie, ce qui faisait de lui un dieu très populaire. C'était un puissant guerrier, qui pouvait soulever les montagnes avec son marteau de guerre (le Mjollnir). En tant que dieu de la tempête, il pouvait aussi amener la pluie pour arroser les récoltes. Les nombreuses sagas mettant en scène Thor le montre déployant les qualités que les vikings admiraient telles que le courage et la loyauté. En fait, on peut affirmer que ce furent les exploits héroïques de Thor qui ont inculqué avec force l'état d'esprit Scandinave aux vikings.
Les origines
Les premières traces de Thor remontent à 700 ans avant l'époque des vikings. Dans son livre, la Germanie, l'historien romain du 1er siècle Tacite évoque les dieux vénérés par les tribus germaniques à l'Est du Rhin. Comme beaucoup d'auteurs romains, il assimilait les dieux germaniques à ses propres dieux. Hercule, était, disait-il "au dessus de tous les autres héros que l'on glorifiait dans les chants quand ils avançaient au combat". Les Germains nommaient ce dieu Donar: il était le dieu du tonnerre et tenait une massue, tout comme Hercule (c'est souvent pour cette raison qu'on associe ces deux dieux), le lien de Donar avec le tonnerre conduisit les écrivains ultérieurs à l'assimiler à Jupiter, le dieu de la foudre.
Deux siècles avant les premières expéditions vikings, les anglo-saxons emportèrent leur religion païenne en Angleterre et parmi leurs dieux se trouvaient Thunor.
L'une des principales sources qui survécut à propos de la mythologie Scandinave est l'Edda en prose, écrit par l'historien Islandais Snorri sturluson. Cependant, il consigna ces récits au XIIe siècle (après la christianisation des vikings) et, de ce fait, ses textes des sagas païennes sont pleines d'exploits audacieux mais ont été purgées de tout leur contenu religieux. Plus d'une fois elle s'égare aussi du coté de la farce.
Le sorcier Loki joua trois fois un tour à Thor: il se battit contre une vielle femme, incarnation de la vieillesse et contre laquelle personne ne pouvait gagner; il essaie de lever le chat Utgarda-loki, qui s'avère être le serpent Jormungand transformé; et il échoue à remplir la corne qui sert à boire de Loki car elle est reliée à l'océan Dans un autre récit, Thor, vêtu en femme, reprend son marteau des mains du géant Thrym.
D'autres aventures furent plus héroïques mais dépourvues de tout contexte religieux. Quel que soit le prétexte, une insulte, un duel, le vol de son marteau tristement célèbre, ou simplement une expédition sur les terres géantes de Jotunheim, Thor tua un immense héros avant de braver une armée de géants pour les massacrer.
Les relations de Thor avec les autres dieux sont à peines esquissées. Il est marié à la déesse Sif, avec laquelle il une fille et deux fils nés d'autres femmes. On ne sait presque rien de Sif: elle était peut être une déesse de la fertilité, ses cheveux d'or représentant une abondante récolte. On sait encore moins de choses sur sa progéniture. Leurs noms signifie "force" et "brave", mais leurs actes ne furent pas consignés. Seul Loki figure de manière significative dans les légendes de Thor, causant des ennuis et se faisant emprisonner jusqu'au Ragnarok.
Vénérer le dieu du tonnerre
Les textes sources nous donnaient peu d'informations sur la façon dont les vikings vénéraient Thor. Les premiers auteurs chrétiens se concentraient surtout sur les récits des sacrifices des hommes et des animaux. La saga Eyrbyggja racontait les débuts de la colonisation de l'Islande au Xe et XI siècles et elle comporte une rare description scandinave d'un temple païen.
"C'était une grande bâtisse. L'entrée était dans le mur latéral, près d'une extrémité; à l'intérieur se trouvait les piliers du siège d'honneur, et des clous y étaient enfoncés: on les appelait clous des dieux; la, à l'intérieur du temple, c'était un asile sacré. Tout à fait au centre il y avait un emplacement qui ressemblait au cœur de nos églises d'aujourd'hui; au milieu du plancher, il y avait la une estrade, comme un autel: y reposait un anneau ouvert pesant deux onces; c'est sur cette anneau qu'on devait faire tous les serments. Sur l'estrade devait également se trouver le vase qui recueillait le sang des sacrifices; il contenait le rameau sacrificiel qui ressemblait à un goupillon, et qui servait à asperger l'assistance du sang qui contenait le vase, lequel était appelé sang du sacrifice. Il s'agissait du sang des animaux qui étaient tués en offrande aux dieux. Autour de l'estrade un emplacement était réservé aux dieux". Extrait du livre de Snorri Le Godi.
A l'époque viking, le siège du chef de foyer était une sorte de trône. Les Ondvegissulur (piliers du haut-siège) étaient une paire de colonne en bois et certains auraient été sculptés avec l'image de Thor. Dans le Landnamabok, qui raconte également la colonisation de l'Islande, Thorolf Mostrarskegg lança ses "piliers de haut-siège" en adressant une prière à Thor et fonda sa nouvelle installation la ou les piliers s'échouèrent sur le rivage.
Le Flateyjarbok, un autre texte Islandais, reflète l'importance du dieu du tonnerre, son image se situait à la place d'honneur entre les dieux Odin et Freyr, elle était plus grande que les autres et ornée d'or et d'argent. On y voit une réplique de son légendaire char tiré par deux boucs immortels.
Les auteurs chrétiens mentionnent Thor plus souvent que tout autre dieu païen Scandinave. Et lui réservèrent une place de choix dans leurs textes.
La description la plus complète des pratiques religieuses vikings nous vient du chroniqueur Allemand du XIIe siècle Adam de Brême. Dans le livre IV de sa Gesta hammaburgensis ecclesiae pontificum, ou dans histoire des archevêques de Hambourg, il décrit un temple dans la capitale suédoise de Gamla uppsala (vieille uppsala) vers 1070. Une fois de plus, Thor se trouve assis entre Odin et Freyr à la place d'honneur. Le temple est couvert d'or et d'une immense chaine dorée qui parcourt le toit de la bâtisse
En dehors du temple se trouve un puit dans lequel on jette les sacrifices et des arbres sacrés servaient à suspendre les offrandes lors d'un rituel qui a lieu tous les 9 ans.
Ce bosquet sacré dans la vieille uppsala appartient à une vieille tradition. Tacite les évoqua dans la Germanie, et Olaf 2 de Norvège ainsi que le roi Brian Boru d'Irlande tous deux fervents chrétiens le détruisirent.
Les preuves archéologiques du culte de Thor sont très rare. Les archéologues cherchèrent en vain tout indice d'un grand temple dans la vieille uppsala: les environs sont parsemés de tumulus remontant à l'Age du bronze, mais aucune trace de la bâtisse décrite par Adam de Brême n'a été trouvée. Ailleurs , les preuves de l'existence de temples vikings païens sont désespérément inexistantes.
La preuve archéologique la plus évidente du culte de Thor est le pendentif représentant son marteau. environ 50 spécimens furent trouvés dans toute la Scandinavie, du IXe au XIe siècle (époque ou les pendentifs chrétiens en forme de croix se rependaient dans toute l'Europe). Certains historiens émirent l'hypothèse que le pendentif du marteau de Thor fut créé en réponse à l'arrivée de cette nouvelle religion.
Un moule en pierre à savon retrouvée au Danemark, reproduit à la fois les croix et les pendentifs du marteau de Thor, tandis qu'un pendentif retrouvé près de Fossi en Islande peut être considéré comme étant l'un ou l'autre (peut être que son détenteur ne savait pas encore quelle religion allait prendre le dessus). Dans le même ordre d'idée, un marteau de Thor, en fer, datant environ de l'an 1000 a été retrouvé dans le Danelaw au Yorkshire: ce marteau portait une inscription qui se termine par une croix.
Plusieurs pierres runiques invoquent Thor afin qu'il protège une personne ou une région. D'autres pierres gravées comme celle de Gosforth dans le Cumbria, sont ornées de scènes de la mythologie Scandinave et de représentations de dieux.
Thor et son marteau étaient donc des motifs récurrents. Sur les croix, ces représentations se trouvaient souvent avec la crucifixion et d'autres scènes bibliques.
Même si les preuves archéologiques du culte de Thor sont peu nombreuses, les sagas Islandaise nous offrent quelques aperçus de la vie religieuse Scandinave. Elles évoques des sacrifices d'animaux et des festins appelés blots, qui se déroulaient principalement en hiver. Il existait plusieurs blots, dont un qui était dédié à Freyr et un autre aux déesses bienveillantes connues sous le nom de "dises" mais il n'y en avait pas pour Thor. Le Thorrablot qui aurait été inventé au XIXe siècle selon certains, fut nommé en référence au mois de Thorri (gel) dans le calendrier païen islandais qui allait de la mi-janvier jusqu'à la mi-février.
Il y avait beaucoup de noms pour les prêtres Godi, Gyoja, volva, seidrmadr...mais il semble qu'il n'y avait pas de prêtre professionnel. Au lieu de cela, les Jarls, servaient de chefs religieux.
Le Mjollnir (l'arme redoutable de Thor) semble avoir été plus qu'une simple décoration. Les vikings païens faisaient parfois un geste qui symbolisait le marteau de Thor en signe de bénédiction ou de purification, à peu près de la même façon que les chrétiens faisaient, et font encore le signe de croix. Dans l'histoire de la mort de Balder, Thor se sert de son marteau pour bénir le bûcher funéraire du dieu mort et, dans le récit semi-comique du mariage de Thrym, Thor récupère son marteau volé lorsqu'il est posé sur ses genoux pour consacrer l'union de la prétendue mariée.
Le Heimskringla raconte que Hakon 1er de Norvège, un des premiers rois chrétiens, fut contraint à faire des sacrifices d'hiver durant un blot à Hlader. Quand on lui tendit la corne pour boire, il fit le signe de croix sur celle-ci pour se prémunir de la nature païenne des festivités. Des sourcils se dressèrent mais un ami de Hakon le défendit, disant qu'il faisait en fait le signe du marteau, comme tout le monde avait l'habitude de le faire.
Bien qu'aucune source ne nous dise exactement comment un viking faisait le signe du marteau de Thor, que la main se déplaçait simplement pour former un T.
L'auteur Ahmad ibn Faldan raconte que les suédois Rus faisaient des offrandes aux idoles constituées d'un "long morceau de bois vertical qui a le visage d'un homme et qui est entouré de petites figures derrière lesquelles se trouvent de longs piquets enfoncés dans la terre" , mais il ne donne aucun noms. Cependant, étant donné l'importance de Thor dans les temples vikings partout ailleurs, il semble qu'il ait été vénéré de cette façon.
Thor présidait aussi à des serments. En 876, les autorités Danoise conclurent la paix avec Alfred le Grand en jurant sur des "anneaux sacrés" liés au culte de Thor peut être de façon semblable à l'"anneau de bras" dans la Eyrbyggja saga
Même après l'avènement du christianisme, les vikings prenaient soins de ne pas offenser le dieu qui contrôlait le temps. Un homme nommé Gaukathori , selon le livre islandais Landnamabok << fut très partagé dans sa foi: il croyait au Christ mais invoquait Thor en cas de navigation et de nécessité absolue>>. Gaukathori lui même aurait dit au roi Olaf II de Norvège: <<si je dois croire en un dieu, il n'est pas plus mauvais de croire au Christ blanc qu'à n'importe quel autre>>
Même avec l'expurgation religieuse de Snorri, l'Edda nous montre Thor comme l'incarnation de nombreuses qualités qui sont traditionnellement associées aux vikings. C'est un guerrier hors pair, un voyageur intrépide et prompt à se venger de toute insulte envers lui-même ou envers son groupe de divinités "ase". Il mange boit et, bien qu'il soit prompt à se mettre en colère, il n'est jamais mesquin ou envieux. La plupart de ses expéditions à Jothuneim semble davantage animé par l'amour d'un bon combat que par une quelconque haine envers les géants.
Toutes ces qualités, la force, le courage, l'esprit d'initiative, la loyauté et la simple soif de vivre étaient grandement admirées par les vikings qui, faut de l'une d'entre elles, s'attirèrent les critiques des auteurs de saga.
L'approche plus directe de Thor au combat, qui semble se délecter de la joie de se battre, l'aurait rendu plus attrayant aux yeux du guerrier Scandinave pour que celui-ci l'égale dans les escarmouches. L'imprévisible Odin était plus ésotérique dans son rôle au combat procurant aux berserker (guerriers fauves) leur folie au cours des combats, et le flateyjarbok raconté une sorte de sortilège dans lequel un roi païen invoque Odin pour vaincre ses ennemis à la guerre.
La franchise de Thor
Dans la mythologie Scandinave, le Ragnarok est une bataille prophétisée qui verra les dieux se rassembler pour affronter leurs plus grands ennemis, Odin sera englouti tout entier par le gigantesque loup Fenrir, le géant du feu Surtr vaincra Freyr, Heimdall et Loki s'entretueront, , et le puissant Thor, bien qu'il ait battu le serpent de Midgard en premier, s'effondrera mort.
Pendant que les dieux se battront, la terre tremblera avant d'être submergée sous les eaux, le soleil s'assombrira et les cieux brûleront. Le Ragnarok viking est l'équivalent de l'apocalypse biblique, mais la ou la fin du monde chrétienne est définitive, le Ragnarok est cyclique.
La prophétie se termine par la promesse que le monde va ressurgir, renouvelé et fertile. Deux humains repeupleront la terre et les dieux reviendront. En matière de bande dessiné, la Ragnarok ressemble davantage aux histoires complexes issues des crossover que Marvel et DC comics mettent en place avant de vouloir renouveler leurs personnages.
Il est donc normal, que même si Thor n'est plus la suprême divinité qu'il était, il continu à vivre. Son nom a été donné au quatrième jour de la semaine (en Anglais), à des lieux comme thundersley, thundridge ou thursley, à l'élément chimique le Thorium, et à des prénom comme Thorolf, Thorsten ou Thorvald qui sont encore employés de nos jours en Grande-Bretagne
Outre l'acteur Australien combattant les extra terrestre sur un grand écran, la légende de Thor a été ravivée et racontée au fil des ans. Outre le chrétien Snorri sturlusson qui efface l'aspect religieux des sagas de Thor, l'ouvrage en vieil Anglais Salomon et Saturne va plus loin, allant même jusqu'à le rallier du coté du christianisme. Dans ses pages, Thor, sous son nom anglo-saxon Thunor, frappe le diable avec une hache enflammée, tout comme il tua des géants avec son marteau.
Thor et le reste des sagas Scandinaves ont été également réinventés par des grands noms de la littérature, notamment Henry Wadsworth Lonfellow, Rudyard kipling, RR Tolkien et Neil gaiman.
Le peintre suisse Henri Fuseli réinvente la divinité en peignant des huiles sur toiles dans le style du nu néoclassique comme par exemple: Thor combattant le serpent de Midgard de 1790. Le peintre historique Suédois Marten Eskil Winge adopta une approche plus littérale avec son Thor combattant les géants de 1872 sur lequel Thor chevauche un char tiré par des chèvres. Thor apparait également dans l'épopée du XIXe siècle "l'anneau du Nibelung" du compositeur Richard Wagner.
Evidemment, en 1962, Thor renaissait une nouvelle fois grâce à l'auteur de bande dessinée Stan Lee et l'artiste Jack Kirby. Mais alors que Marvel continu de produire à tour de bras des pages et de faire des blockbusters, il semble que le dieu du tonnerre soit une plus grosse franchise que tous les autres Avengers et qu'il survivra à tous.